Derrière la porte d’un blockhaus
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Après avoir admiré les moulins de la Court, vous poursuivez votre balade le long de la plage de la Cantine, à la Guérinière. Vous apercevez alors plusieurs blockhaus. Nichés dans les dunes, ils surplombent la plage et font front face à l'océan. Ils captent le regard des passants et font s'arrêter les plus curieux. Grâce à l'association Atlantic Wall Memory, nous avons visité l'un d'entre eux. Une rencontre empreinte d'Histoire et d'émotions...
C'est devant la porte du bunker R627 que nous sommes accueillis par Mr Brochard.
Avant d'entrer, il nous explique que ce blockhaus est un vestige du "mur de l'Atlantique" : un système défensif déployé par les Allemands du printemps 1942 au printemps 1944, s'étendant sur 5 000 kilomètres le long des côtes françaises. Il était composé d'ouvrages de défense, de batteries d'artillerie, de forteresses et d'obstacles anti-débarquement (hérissons tchèques, tétraèdres...) disposés sur les plages. L'objectif du dispositif : empêcher une invasion des forces Alliés sur le continent.
Sur l'île de Noirmoutier, 18 batteries ont été répertoriées ce qui représente environ 150 bunkers et entre 100 et 150 soldats allemands par batterie.
La cohabitation entre les allemands et les habitants de l'île s'est plutôt bien passée. Les soldats qui étaient en poste sur l'île étaient ravis d'être ici plutôt que sur le front russe.
Le bunker R627 fait partie d'un groupement de blockhaus appelé batterie Tirpitz. Il a été construit durant la seconde guerre mondiale et servait de poste de commandement et de direction de tirs. S'il est aujourd'hui totalement visible et découvert, il faut imaginer, qu'à l'époque, il était complètement enseveli sous le sable pour ne pas être repéré. Le seul accès à la batterie Tirpitz était la rue des Perles. Derrière les blokhaus, à la place des maisons, c'était des champs de mines.
Les soldats sont partis par leurs propres moyens en août 1944. Tous les étés après la guerre, le blockhaus R627 était utilisé comme habitation par les estivants. On l'a retrouvé un petit peu modifié mais en très bon état de conservation.
En 2011, l'association a ouvert le bloc R627 et a entamé des travaux de réhabilitation qui ont duré un an.
C'est devenu le local de notre association et en laissant la porte ouverte, petit à petit, on s'est aperçu que les passant descendaient.
La porte s'ouvre
Nous entrons dans le blockhaus.
Les murs sont épais et étroits, il fait sombre et froid : très vite nous sommes plongés dans l'Histoire.
Nous descendons quatre marches qui nous mènent devant une énorme porte rouillée.
Cette porte blindée pèse plus d'une tonne. Elle est divisée en deux parties. En cas de bombardement et d'éboulement de gravas, cela permettait de sortir par le haut de la porte si le bas était bloqué et inversement...
La deuxième porte s'ouvre : un grincement et des bruits métalliques résonnent.
Les lumières s'allument et nous découvrons la pièce de vie.
De nombreux objets et panneaux d'affichages sont exposés. Ils retracent l'Histoire de la guerre et les témoignages des hommes et des femmes qui l'ont vécue. Au milieu de la pièce un comptoir remplace la cloison qui séparait avant l'espace en deux.
Il y avait d'un côté la chambre du sous officier et de l'autre les lits superposés des 6 soldats avec une table et un poêle pour se chauffer.
La pièce est petite. On imagine difficilement 7 hommes cohabiter ensemble aussi longtemps, enfermés dans cet espace confiné.
Dans la deuxième pièce, les morceaux d'épave d'un B17 (un bombardier américain) sont exposés à côté des photos de son équipage. Au deux extrémités du bunker, il y a : d'un côté un poste d'observation et de l'autre un poste de tir.
En cas d'alerte, il faut imaginer qu'un soldat venait au poste de tir. Il fermait la porte blindée et se retrouvait tout seul avec sa mitrailleuse. Ce poste n'a pas été utilisé beaucoup. Sur l'île c'était très calme. La seule fois où les tirs sont sortis c'est le 4 juillet 1943, quant un B17 qui revenait d'une mission de bombardement à Nantes s'est écrasé sur la plage.
Le 4 Juillet 1943, un B17 a atterris en catastrophe à 1,5 kilomètre de la plage de la Cantine dans 30cm d'eau. A bord, il y avait 10 mitrailleurs. Ils s'en sont tous sortis vivants et ont été faits prisonniers par les Allemands. Ils sont tous rentrés chez eux après la guerre. En 2013, l'association a organisé une reconstitution du crash sur la plage.
Le fils d'un des mitrailleurs du B17 est venu d'Amérique. Il a rencontré un de mes amis qui a parlé du jour du crash. Il lui a dit : "J'ai vu ton père sortir de cet avion !"
Un lieu transpirant d'Histoire et d'histoires
Autour de tout ce projet, il n'y a pas que l'association. Il y a des architectes, des historiens, des étudiants qui font des recherches et participent à l'apport de témoignages.
Mr Brochard nous livre avec passion des témoignages et des anecdotes sur ce qu'il s'est passé durant la guerre sur l'île de Noirmoutier mais aussi sur ses alentours.
La construction du "Mur de l'Atlantique" a mobilisé 291 000 travailleurs forcés, dont mon père...
Grâce à des journaux dans lesquels sont retranscrits tous les détails de sa déportation, Mr Brochard a pu retracer l'histoire de son père. Aujourd'hui il la partage avec nous :
Il a été réquisitionné par les Allemands du 3 avril au 16 juin 1943 pour construire des blockhaus à Angles, dans le sud de la Vendée. Le 16 Juin 1943, une rafle a été organisée sur le chantier.
Le père de Mr Brochard est envoyé à La Pallice, où il restera enfermé deux jours dans des conditions d'hygiènes déplorables. Il sera ensuite déporté dans des wagons à bestiaux vers un nouveau camps de travail en Allemagne. S'en suit alors un périple de deux ans.
Il est rentré chez lui le 8 Mai 1945. Le jour de la capitulation, c'était la folie au village !
En poussant la porte du blockhaus R627, nous avons fait une plongée au coeur de l'Histoire à travers des témoignages poignants livrés avec passion et émotion, Mr Brochard nous a rappelé qu'il était important de faire perdurer ce devoir de mémoire auprès des nouvelles générations.
Cela fait partie de notre histoire à tous. Il ne faut surtout pas oublier.
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