Saga Familiale : L'Atelier du Flan Maraîchin
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Continuons notre tour d’horizon des héritages familiaux noirmoutrins. En ce mois de décembre, qu’il est agréable de se souvenir des repas que l’on préparait en famille, aux saveurs et traditions partagées à cette époque si particulière de l’année. Au tour de Monsieur Chaplais, propriétaire de l’Atelier du Flan Maraîchin, de nous narrer l’histoire de son entreprise, véritable illustration de son patrimoine familial.
L’Atelier du flan Maraîchin, le ton est donné dès notre arrivée devant la façade du “laboratoire” de Pascal Chaplais, artisan épinerin. Un endroit unique où sont confectionnées jour après jour douceurs et pâtisseries vendéennes. Aussi, avec ces anciennes inscriptions conservées sur le mur, on comprend rapidement que ce lieu est chargé d’une histoire singulière.
Fondée en 1963
Le décor est planté. A l’époque, les parents de Pascal Chaplais proposent une boucherie-charcuterie-rôtisserie aux habitants de la commune de l’Épine, au Nord-Est de l’île de Noirmoutier : un véritable succès. A ces débuts, l’entreprise vend des plats cuisinés et de la viande à ses clients. Et puis très vite, les deux entrepreneurs développent un service de traiteur. Sucré ou salé, tout est préparé dans ce local.
Entre la préparation des repas, la livraison, le service et la boutique, l’affaire tourne à plein régime. Très vite, le petit Pascal Chaplais apporte son aide à ses parents. Dès l’âge de 9 ans, les clients pouvaient le voir dans la boutique mettre la main à la pâte. Chez les Chaplais, la cuisine est une affaire de générations : tous se retrouvent pour préparer les plats ensemble, et chacun a sa spécialité : la grand-mère s’occupe des pâtisseries, le père de la viande de boucherie, et la mère des plats cuisinés.
Passées les portes de la boutique, la pâtisserie occupe une grande place dans la vie de Pascal Chaplais. Plus qu’une gourmandise, elle est synonyme de partage ; partage de moments de vie, partage de savoir-faire, partage de traditions… Voilà l’une des valeurs fondamentales de l’artisan. Ses souvenirs d’enfance le ramènent à son plus jeune âge, où les gâteaux préparés par sa grand-mère embaumaient la rue d’odeurs sucrées et briochées, qui faisaient immédiatement s’agglomérer les petits-enfants Chaplais à l’intérieur du logis.
Il se souvient aussi de ces nombreuses matinées et après-midis passées à confectionner ces délicieux gâteaux, assisté de sa grand-mère. Déjà, elle lui transmettait le savoir-faire des douceurs vendéennes. En revanche pour obtenir la recette exacte de ses pâtisseries, c’était une autre paire de manches…
Certaines n’étaient en effet pas facile à obtenir, un long travail de négociation a notamment été nécessaire pour obtenir la recette ancestrale du flan maraîchin, à la vanille et au laurier. Pascal Chaplais a longtemps remercié la voisine de sa grand-mère de l’avoir convaincu de transmettre sa recette secrète à son petit-fils.
Et c’est certainement l’une des raisons pour lesquelles aujourd’hui, l’artisan ne partage pas la quantité d’ingrédients requis pour la préparation de son dessert traditionnel : on ressent une réelle envie de protéger ce patrimoine culinaire familial, si cher aux yeux de Pascal Chaplais.
N’en déplaise aux journalistes et touristes curieux qui essayent de lui soutirer le secret de son dessert signature : il n’en démordera pas : Pascal Chaplais conserve précieusement la liste des ingrédients. Et il en est peut-être mieux ainsi : cela ne fait que renforcer le lien de confiance qui unit l’artisan aux gourmands qui achètent ses desserts et autres mets salés. Car en effet, la passion qu’il éprouve à l’égard de son métier réside surtout dans le partage de ses recettes familiales avec sa clientèle.
Et c’est sûrement la raison pour laquelle vous ne trouverez pas de desserts sucrés en format individuel sur l’étal de Pascal Chaplais sur les marchés, mais uniquement des gâteaux. Pour lui, les desserts gourmands sont faits pour être partagés, comme lorsqu'il était petit. Sa grand-mère préparait toujours ses plats et ses pâtisseries en grande quantité afin de les partager avec les voisins et la famille. De la même façon qu’un gâteau, la gourmandise n’est entière que si elle est partagée.
Plus tard, c’est donc très naturellement que Pascal Chaplais s’oriente vers un apprentissage en pâtisserie à l’école hôtelière de Noirmoutier-en-l'île “Les Sorbets” (qui plus tard sera déplacée au Lycée Notre Dame du Roc de La Roche sur Yon). Puis il s’envole à Paris pour travailler dans divers restaurants. Durant son service militaire, il a cuisiné pour 2 000 de ses conscrits, à Châteauroux. Pendant toutes ces années, nombreux ont été les allers-retours du pâtissier sur son île natale, pour retrouver les siens mais aussi apporter son aide au commerce familial.
Pourtant, on lui a maintes fois conseillé de partir de son petit bout de paradis, comme il l’appelle. Il se souvient de son professeur qui lui disait : “Si tu veux t’en sortir, il faut que tu partes de Noirmoutier pour apprendre des méthodes, d’autres façons de cuisiner”.
Il s’est ainsi retrouvé dans le Midi ou encore à Nantes. Chacune de ses expériences lui fait réaliser que chaque région a ses spécialités culinaires. C’est ainsi qu’il prend conscience de cette richesse propre à chaque ville, département ou région. D’un autre côté, il ressent une certaine nostalgie des produits du terroir noirmoutrin.
Rapidement, on comprend que ces années passées en dehors de l’île l’ont marquées. Le passage d’une vie quotidienne entourée de sa famille, à une ville jusqu’alors inconnue sans point de repère lui a fait prendre conscience de la chance qu’il avait d’être originaire de l’île de Noirmoutier. Il nous confie :
“Lorsque l’on se retrouve seul en ville, il faut aller faire les courses, acheter et payer pour s’alimenter. A l’époque, sur l’île, on fonctionnait plutôt par l’échange de produits ou de services. J’avais l’habitude du troc. On allait peu dans les commerces, on consommait des produits de la ferme ou du jardin".
"On ne se rendait pas compte du paradis que l’île de Noirmoutier était”.
En 1984, à la fin de sa saison d’hiver, il revient sur l’île de Noirmoutier. Cette fois-ci, il ne la quittera plus. Cette année-là ouvrait une salle de réception dans sa commune d’origine de L’Épine, l’occasion d’assurer le service traiteur lors des rassemblements. Sa famille s’est occupée de trois mariages, et à partir de cette date, Pascal Chaplais n’a jamais arrêté.
Le service traiteur, ce n’était pas ce qu’il préférait. Ce qu’il aime lui, c’est créer, cuisiner, mettre la main à la pâte. D’ailleurs en 2008 lorsqu’il reprend l’affaire familiale, il se sépare du service traiteur et garde la boutique plutôt. Et pourtant, ce n’était pas joué d’avance.
Lorsque ses parents partent à la retraite cette année-là, sa première volonté n’est pas de reprendre le flambeau familial. Plus tard, il dira qu’il n’avait pas la volonté, qu’il émettait des réserves quant à cette succession. Et puis ses parents l’ont poussé en le rassurant :
“C’est un métier génial, la clientèle est acquise : tu as toutes les clés pour réussir”.
Six mois plus tard : il reprenait le commerce, convaincu par ses parents malgré ses doutes.
Pascal Chaplais nous confie que c’est d’ailleurs l’une des seules fois où il a suivi les conseils et recommandations de ses parents. Son père étant boucher de métier, il prenait souvent le contrepied de ses conseils : les deux générations avaient une opinion différente de leur métier. Conscient de ces différences de vision intergénérationnelle, il consulte aujourd’hui lui-même systématiquement son fils pour tâcher de prendre les meilleures décisions pour l’entreprise.
Et après ?
Aujourd’hui, Pascal Chaplais se concentre sur la préparation de ses pâtisseries vendéennes en vue de les proposer sur les marchés de l’île de Noirmoutier. C’est un endroit qu’il affectionne tout particulièrement, et une tradition qu’il ne manquerait pour rien au monde : celle de rencontrer ses clients les plus fidèles, ainsi que les touristes curieux de goûter aux produits du terroir et aux spécialités de leur lieu de vacances.
“Des fions toute concurrence”
Il est d’ailleurs très souvent surpris de voir les gens se déplacer, parfois de loin, pour goûter à ses trésors culinaires. Il raconte :
“Une fois, un client m’a dit “Merci pour la Pascaline, on la mangera à New York demain !”.
Cela l'émerveille de voir ses pâtisseries quitter les frontières de la Vendée après avoir cuits dans son four de L’Épine.
Lui-même, lorsqu’il voyage, aime goûter aux spécialités de la région visitée. C’est ainsi qu’il découvrit la Teurgoule normande, notamment. Et il remarque assez justement : “Ça n’aurait pas d’intérêt de manger une Teurgoule dans le Sud de la France. Ce qui est plaisant, c’est de la déguster et de découvrir ses secrets de fabrication, son patrimoine sur le lieu où elle est née et où sa recette a été perpétuée.”
C’est la raison pour laquelle Pascal Chaplais ne vend ses pâtisseries que sur le secteur de la Vendée, et particulièrement sur l’île de Noirmoutier, là où elles ont été inventées.
Une volonté que son fils partage. D’abord comptable, il revient très vite à ses sources et quitte tout pour venir soutenir son père lors des saisons, pendant près de 10 ans. Depuis 2 ans maintenant, il travaille conjointement avec lui. Un retournement inespéré de la part du patriarche, qui fait d’ailleurs sa joie et sa fierté.
Le patrimoine culinaire de la famille Chaplais a donc encore de belles années devant elle.
Les recettes de famille, qui sont précieusement et uniquement confiées aux deux enfants de l’artisan, sont les témoins d’une forte passion familiale, et d’un savoir-faire noirmoutrin unique. Elles sont aussi le reflet d’un partage omniprésent dans le métier exercé par Monsieur Chaplais.
Cette transmission universelle, c’est d’ailleurs ce qu’il préfère dans la pâtisserie.
On est tous un peu gourmand en chacun de nous.
Et après une délicieuse dégustation, nous ne pouvons que confirmer !
Retrouver ses produits sur les marchés de l'île de Noirmoutier
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